Compte-rendu du café horloge du 24 mai
Café Horloge «Franc-Maçonnerie et Religion»
Jean-Yves Lefèvre
Jeudi 24 mai 2012, Restaurant le 47 avenue, 47 av. Janvier, Rennes
Le compte-rendu qui suit est celui d’une profane, qui s’excuse par avance auprès de l’intervenant et des participants initiés de ses imprécisions, et de probables lacunes.
Dans la continuité de l’esprit à l’œuvre lors de la création de l’ACEMS, une quarantaine de personnes, majoritairement composée de Frères et de Sœurs, mais également quelques profanes comme moi s’étaient donc rassemblés le jeudi 24 mai 2012 au premier étage du 47 Avenue, dans une ambiance toujours aussi conviviale et propice au dialogue respectueux.
En tant que profane, je suis venue assister à cette présentation, suivie d’un échange avec les participants, pour alimenter une réflexion personnelle autour de la question « Peut-on être catholique et franc-maçon ? », insatisfaite du jugement strictement négatif de l’Eglise catholique à l’encontre des francs-maçons.
Jean-Yves Lefèvre, à l’appui d’un exposé riche et équilibré a réussi, à mes yeux, à dépassionner un débat couramment réducteur.
Il nous a été rappelé qu’initialement, la Franc-maçonnerie et l’Eglise ont œuvré en symbiose. Au Moyen-Age d’ailleurs, les Francs-Maçons étaient bâtisseurs de cathédrales. Historiquement, le divorce entre l’Eglise Catholique et la Franc-Maçonnerie a été prononcé en 1738, date à laquelle, le Pape excommunie les Francs-Maçons. Bien que la réforme du droit canon ait abouti à la levée de l’excommunication en 1983, force est de constater que l’anathème demeure entre francs-maçons et religieux.
-Les sources de la Franc-maçonnerie, comme celles du christianisme plongent dans le néo-platonisme et l’hermétisme qui s’est développé en Egypte. Le christianisme et ses rituels sont également des emprunts des rites égyptiens.
La tradition maçonnique base une partie de sa réflexion sur le Ciel, la Terre, les éléments, les astres. Ces éléments sont présents dans le Temple maçonnique, placés en quelque sorte sous la protection du Dieu égyptien Hermès (père de la Sagesse), et sous l’égide des héros mythiques tels Héraclès, ou encore du philosophe et mathématicien Phytagore.
Dans la Maçonnerie Egyptienne Isis, la déesse joue un rôle à titre de symbole, celui de la Divine Mère (mère d’Horus). On trouve les origines de l’Isis maçonnique dans le livre Le Voile d’Isis du philosophe Pierre Hadot.
Il est intéressant d’avoir pu se souvenir (ou prendre conscience) que le christianisme a récupéré le culte d’Isis. Le culte humaniste et universaliste d’Isis s’est en effet diffusé hors d’Egypte, à partir des années 650 avant Jésus-Christ, dans le but de faire régner la paix et la fraternité dans le monde. Populaire même à l’époque de Jésus, il a été adopté en Europe, en Afrique et en Asie. Les religions modernes, le christianisme et l’Islam, en ont repris les principes : Isis la Mère Divine (Immaculée conception) qui a mis au monde son fils Horus futur roi sur le trône de son défunt père Osiris ; en Egypte, la fête des rameaux entre mars-avril (solstice d’Hiver) commémore la Passion d’Osiris, sa mise à mort, sa résurrection (idée que le Sauveur doit descendre aux Enfers pour permettre la renaissance d’une nouvelle moission).
-Eglise catholique, Franc-maçonnerie : quelques points de convergence.
L’intervenant nous a récité les neufs premiers verset du Prologue de Jean:
« Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui tout a paru et sans lui rien n’a paru de ce qui est paru. En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes ; et la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie. Il y eut un homme envoyé de Dieu, son nom était Jean. Il vint en témoignage pour témoigner au sujet de la lumière, afin que tous par lui fussent amené à la foi. Celui-là n’était pas la lumière. C’était la lumière, la véritable, qui illumine tout homme en venant dans ce monde ».
L’Eglise de Jean, souple et ouverte sur le Nouveau, le respect de la Femme, la complémentarité Homme-Femme à la différence de la tradition hébraïque où l’approche masculine domine (on va aller jusqu’à se demander si la Femme a une âme), est une référence partagée en maçonnerie comme dans la tradition catholique. Saint Jean l’Evangéliste est celui qui a rendu témoignage de la Vérité et qui a été choisi pour transmettre aux hommes l’Evangile de l’Amour. Pour les Francs-Maçons, il apparaît comme un initié parfait. Dans la tradition maçonnique, il est associé au solstice d’hiver et au tropique du Capricorne. Il est fêté par la communauté chrétienne le 27 décembre, et par les francs-maçons lors des tenues et agapes de la Saint Jean d’hiver. Il interroge sur une vision prophétique et visionnaire de la destinée humaine.
Aime ton prochain comme toi-même est l’aboutissement naturel de l’effort de vérité. C’est la condition nécessaire qui assure la cohésion d’une communauté d’homme symbolisée en maçonnerie par la Loge.
En maçonnerie, la Bible contenant l’Evangile de Jean est appelé Volume de la Loi Sacrée. Elle est déposée sur l’autel de la Vérité et ouverte à l’Evangile de Jean au premier chapitre. Associé à deux épées croisées et un chandelier à trois branches, il est au cœur du processus initiatique. Cette aventure de soi-même dans la conscience des autres, mais surtout dans l’esprit de l’éternelle Sagesse, place la franc-maçonnerie comme la société qui témoigne de la Lumière hors de tout dogmatisme et d’autoritarisme culturel.
Les disciples de Jean veulent expliquer le sens des religions par une connaissance ésotérique. Les gnostiques assimilaient le dieu du Mal au Dieu de l’Ancien Testament qu’ils interprétaient comme le récit des efforts de ce dieu pour maintenir l’humanité dans l’ignorance et le monde matériel.
-Des pratiques similaires dans un cadre architectural et un décor analogues en maçonnerie et dans le christianisme
A l’aube du christianisme, on note déjà l’existence de cérémonies qui faisaient penser à la Messe ; ces cérémonies se terminaient aussi par des Agapes (// la Scène).
En maçonnerie, pour aller en tenue, comme pour aller à la messe, on s’habille. A l’issue des cérémonies, on mange ensemble.
Symboliquement, Temples et églises sont géographiquement orientés de la même manière : à l’Orient.
Quand on entre dans une église, on voit le Christ en croix avec la lune et le soleil; en maçonnerie aussi bien que dans un Temple maçonnique on veille à ce que la (vraie) lumière vient du nord (Capricorne, la porte des Dieux). Le soleil de la Saint-Jean d’été est celui qui va mourir.
En Franc-maçonnerie, 3 lumières : le soleil, la lune, et maître de la loge.
Pour l’Eglise, 3 lumières également : le soleil, la lune, et Dieu
La lumière est le Verbe. De la vraie lumière naît l’architecture des mondes.
La Bible (Livre Sacré) présente aussi dans les Loges. D’ailleurs, une des 3 grandes lumières de la Franc-Maçonnerie est la Bible. Est-ce une bonne chose ?
-Parmi les divergences entre Religion catholique et Franc-Maçonnerie mises en exergue, j’ai noté:
La Franc-Maçonnerie prône le relativisme : pas de certitude quant aux vérités concernant l’homme et sa destinée.
La franc-maçonnerie refuse toute idée de salut ; l’Homme se construit par lui-même, sans avoir besoin de Dieu pour le changer. L’Homme est invité à refléter l’Univers dans son propre esprit, à saisir l’essence divine de la Nature et à l’imprimer de la psyché, ce qui est rendu possible par le fait que l’homme possède un intellect divin.
La Franc-maçonnerie n’est pas une religion ; elle en diffère par une approche ésotérique, tournée vers le Mystère, l’étude et l’élucidation des symboles.
La Loge vient du grec « logos » qui signifie le Verbe. C’est le lieu où l’on vient se transformer. On n’y parle ni de religion, ni de politique.
La Franc-Maçonnerie est une communauté de « cherchants », non de croyants. Le croyant croit en une Vérité révélée, alors que ce qui caractérise le cherchant c’est le doute. Le franc-maçon accepte et tolère les croyances mais, libre d’esprit, il rejette tous les dogmes. Idéalement, le maçon est un individu « libre dans une loge libre ». Le travail sur les symboles empêche l’enfermement dans le dogmatisme. Le symbole est un outil pour communiquer, qui permet l’approfondissement du Mystère, permet d’échanger sur l’essentiel : l’Ame.
Enfin, en Maçonnerie on ne rend de culte à personne, à la différence de la Religion, il n’y a pas de prières. Les mythes explicatifs sont là pour aider à donner un sens, et à apporter une éthique de comportement. La divinité est reçue par les symboles et les échanges autour de ces symboles.
Sur la notion du Grand Architecte de l’Univers. La notion renvoie au principe de la création. Le Volume de la loi sacrée étant le Bible on a pu dire que le Grand Architecte était Dieu. Historiquement, ce fut une erreur politique qui a entraîné en 1860 la scission d’avec le Grand Orient. Le Volume de la loi renvoie davantage à la règle d’harmonie (les proportions sacrées) : le Justesse se trouve en soi, et se construit.
Francs-maçons et chrétiens expriment un besoin du Sacré ; ils ne croient pas au hasard. La Création du monde apparaît mystérieuse mais dotée de sens. Le succès et le développement des techniques de développement personnel, est un exemple révélateur du besoin de sacré.
Or, aujourd’hui le matérialisme est une sorte de religion qui menace la dimension spirituelle de toutes les religions monothéistes. Par ailleurs, on observe un regain du fondamentalisme, plus que du religieux, qui se nourrit de la misère.
Selon Jean-Yves Lefèvre, dans un contexte général de déclin des religions, nous serions à l’aube de l’émergence d’une nouvelle religion. De l’être humain va sortir une nouvelle spiritualité.
La mondialisation culturelle, ne peut être séparée d’une mondialisation spirituelle.
Les hommes ont besoin de se réunir, avec leurs différences, face aux problèmes de la domination de certains groupes (exemple de l’industrie du médicament). Or les religions divisent les hommes, considérant que leur Dieu respectif est meilleur que l’autre. En outre, sur la souffrance et la mort, les églises traditionnelles n’ont pas grand-chose à dire.
Les écoles ésotériques rassemblent. Elles sont appelées à se fédérer sur la base d’un langage nouveau autour de l’Architecte de l’Univers, à partir de 3 valeurs :
1ère valeur : connaissance de soi ; 2ème valeur : la fraternité, profonde valeur initiatique. A partir du regard sur soi porté par autrui, on peut apprendre à changer. Nous sommes tous « frères d’âme » ; l’autre est une partie de moi-même ; 3ème valeur : liberté, liberté de conscience, respect de la singularité de chacun.
« Quand Dieu efface, il est prêt à écrire. »
« Un être lumineux va surgir, cela permettra aux hommes de se réunir. »
Ce sont sur ces déclarations clôturant son intervention que Jean-Yves Lefèvre a cédé la parole à la salle.
Isabelle, Rennes, le 05 juin 2012