La franc-maçonnerie en Bretagne : retour sur la table ronde

Publié le par ACEMS

390230 170293439728632 158869534204356 325072 584032636 nLe samedi 29 octobre, la première table ronde du Salon maçonnique de Rennes avait pour thème la franc-maçonnerie en Bretagne. Au regard de notre localisation, il est prévu que cette thématique soit récurrente lors des prochaines éditions. A l'occasion de ce premier rendez-vous, la table ronde se voulait représentative des différentes facettes de l'historiographie et du vécu de la maçonnerie en Bretagne, avec un témoin, des chercheurs, des historiens...


 

Le modérateur : Bernard RIO

(écrivain, auteur et chercheur. Voir le lien Les auteurs du salon : à la rencontre de Bernard Rio )

 

Animateur de la table ronde, Bernard RIO a introduit ce débat portant sur la Franc-Maçonnerie en Bretagne, thème à la fois très vaste et très spécifique.

Il a proposé à chaque intervenant de se présenter puis de parler de la genèse et de la trame de leur ouvrage de référence, pour enfin échanger entre eux sur la base de questions posées le modérateur et la salle. Un échange fructueux s'ensuivit; si dense et intense que le temps (malgré l'heure et demie impartie) ne laissa hélas guère de possibilités de questions au public (une question, notamment, relative au poids et au devenir des livres d’architecture dans les loges bretonnes actuelles aurait mérité à elle seule une conférence).

 

Claude LEPAGE

(neveu de Marius Lepage, 66 ans de maçonnerie en Bretagne et auteur de Jigaro Kano, Un Grand Initié. Symbolisme et philosophie du Judo. Voir le lien Les auteurs du salon : à la rencontre d'un témoin exceptionnel, Claude Lepage)

 

Autoportrait:

Retraçant sa propre histoire, Claude LEPAGE se présente comme ayant grandi en quelque sorte dans la Franc-Maçonnerie, puisque son père franc-maçon appartenait à la fameuse loge Volney de Laval, depuis 1929. Il y fut initié lui-même en 1945 par son oncle Marius LEPAGE, véritable personnage «hors norme», auteur d’une soixantaine d’exposés francs-maçonniques.

Bien qu’ayant réussi à «faire remonter les vifs échanges entre mangeurs de curés et mangeurs de francs-maçons» à l’occasion de la venue du révérend père jésuite RIQUET, à la loge Volney en 1961, son oncle Marius alors en désaccord avec son obédience, démissionne de sa loge. Il devient l’un des cinq fondateurs de la loge Ambroise Paré de la GLNF à Laval, qui reprend à son compte la devise du père de la chirurgie moderne natif de cette ville : «je les soignais, Dieu les guérit»

Puis Claude Lepage aborda la genèse de Jigaro Kano, ou comment son parcours participe d’une tentative de retrouver les sources celtiques de la Franc-Maçonnerie:

L’histoire personnelle et professionnelle de Claude LEPAGE est marquée par sa pratique sportive, essentiellement celle du Judo. Tout naturellement, son cheminement existentiel l’a amené à s’interroger sur ce que cette pratique pouvait lui apporter.

Professeur d’éducation physique, il choisit de donner un tournant à sa carrière, et de «présenter ses talents à l’illustre société des Compagnons Charpentiers des Devoirs du Tour de France». Ainsi assuré de pouvoir parcourir la France, il va progressivement à la rencontre des grands maîtres du Judo. Son goût du voyage des voyages le conduit à parcourir le monde, mode de vie qu’il aura du mal à faire perdurer, en raison de son statut d’époux et de père de trois enfants vivant à Laval. Pour cette raison, en 1961 il «raccroche» donc sa profession de professeur d’éducation physique.

 

En 1977, on lui demande de retranscrire par écrit la teneur d’un exposé oral dont le thème était la philosophie du Judo. La tâche lui apparaît trop difficile.

Il prend la décision de repartir parcourir le monde oriental.

A l’âge de 71 ans, Claude LEPAGE entâme des «périgrinations» au travers du Japon philosophique.

Arrivé ensuite en Inde, à Bénares, il remonte le Gange, vit comme les Brahmanes, se contentant de peu sur le plan matériel. La découverte des rituels et de la religion hindouiste marque son cheminement.

Après un épisode d’empoisonnement intestinal qui le plonge trois jours durant dans le comas, il repart sur la route malgré son âge, jusqu’aux hauteurs de Katmandou au Népal.

Il a expliqué dans son ouvrage Jigano KANO comment les rituels qui encadrent la pratique du judo sont de nature maçonnique. Il a aussi conçu ce livre comme la synthèse de son parcours.

 

Indéniablement, comme l’a souligné Bernard RIO, tout l’intérêt de l’apport de Claude LEPAGE réside dans la communication de la cohérence entre la démarche du corps et celle de l’esprit.


 

Christian JOUQUAND

à propos de La Franc-Maçonnerie à Saint-Malo et sur la Côte d’Emeraude (Voir le lien Les auteurs du salon : à la rencontre de Christian Jouquand )

 

L’ouvrage présenté ici par son auteur est avant tout un livre d’Histoire, une contribution qui apporte un éclairage local sur la Franc-Maçonnerie dans la région de Saint-Malo, et qui pousse l’investigation jusque sur l’île de Jersey.

 

Genèse du projet:

Le professeur Jacques Brengues (fondateur de l'IDERM, du GODF) qui avait travaillé et écrit sur la Franc-Maçonnerie à Dinan et à Saint-Brieuc, lui a demandé de prendre le relais et de continuer à écrire, à sa suite, une histoire de la Franc-Maçonnerie à Saint-Malo.

Méthodologiquement, il s’est inspiré du travail de Daniel KERJAN sur Rennes.

 

Ses sources:

Au démarrage de ses travaux, Christian JOUQUAND s’est heurté à une difficulté empirique, car il n’existait aucune archive sur place, à Saint-Malo. Il a donc dû se rendre à Paris pour un dépouillement d’archives à la BNF et au GODF.

L’auteur rappelle que jusqu’en 1961, le Grand Orient a le monopole à Saint Malo. Il a donc été très précieux pour lui d’obtenir l’autorisation de consulter leurs archives.

Par ailleurs, il précise qu’étant donné que 40% des francs-maçons malouins ont eu des connexions avec la Franc-Maçonnerie de Jersey, il s’est avéré indispensable à ses yeux de pousser les investigations et de constituer un historique de la Franc-Maçonnerie à Jersey, sur la base d’un corpus d’archives rédigées en anglais.

 

Les fruits de ses recherches:

sur la période du 18ème siècle:

Le premier document sur lequel l’auteur a travaillé date de 1772; il révèle l’existence d’une loge à St Malo dès 1770. JOUCQUAND pense d’ailleurs que la Franc-Maçonnerie aurait existé avant, vers 1740, du fait de l’importance du port de St Malo au 18ème siècle.

Au moment de la Révolution, la Franc-Maçonnerie est très importante à Saint-Malo (grands armateurs, capitaines de navires, corsaires, etc;..) et jusqu’au Grand Empire. Les francs-maçons malouins ont d'ailleurs largement cautionné la Révolution.

Pour l'anecdote, Christian JOUQUAND rappelle que, revenu à Saint-Malo en 1809, le corsaire Robert SURCOUF était lui-même franc-maçon bien que non assidu.

 

sur la période du 19ème siècle:

A partir de la première Restauration, C. JOUQUAND observe un important déclin de la Franc-Maçonnerie à Saint-Malo et à Saint-Servan. Il précise qu’à partir du moment où cette dernière est devenue une commune indépendante, on a déjà assisté un périclitement de la Franc-Maçonnerie malouine. Pendant un certain temps, il n’y eut plus de loges à Saint-Malo.

Concernant la Franc-Maçonnerie à Jersey à cette époque, l’auteur nous explique qu’en 1815, il n’y avait que très peu de francs-maçons sur l’île; mais que depuis cette date, la Franc-Maçonnerie n’a cessé de progresser, participant ainsi du formidable essor économique de l’île.

 

sur la période du 20ème siècle:

Sur la base de ses recherches historiques, Christian JOUQUAND relate la création d’une loge malouine, en 1940. Une autre loge a ensuite été créée qui se sabordera en 1961 (les Frères, partisans de la laïcité, étant mécontents de la position du Grand Orient).

Il faudra attendre les années 1980 pour que la Franc-Maçonnerie renaisse à Saint-Malo, et reprenne de l’importance. Ceci étant dit, Saint-Malo reste «une terre de mission pour les francs-maçons».

 

Daniel KERJAN

à propos de Rennes: les Franc-Maçons du GODF (Voir le lien Les auteurs du salon : à la rencontre de Daniel Kerjan )

 

Autoportrait:

Daniel KERJEAN se déclare très proche de ses deux Frères intervenants, Claude LEPAGE et Christian JOUCQUAND: comme Claude LEPAGE il a pratiqué le judo, en l’occurence à Saint-Brieuc depuis 1952, dès l’âge de 12-13 ans. Discipline physique et morale, il affirme que la pratique du judo l’a beaucoup marqué. A l’instar de Christian JOUCQUAND il se passionne pour l’histoire locale de la Franc-Maçonnerie.

 

Genèse de son histoire de la GODF à Rennes:

L’auditoire aura bien compris que du point de vue historique Daniel KERJAN, s’est effectivement intéressé avec passion à TOUTES les loges d’Ille-et-Vilaine. Teoutefois, non sans regrets, mais vu l’ampleur de la tâche, il lui a fallu sérier le sujet.

 

Ses sources:

L’essentiel des archives couvrant les 18ème et 20ème siècles a été consulté et dépouillé à la BNF. Il manquait celles du 19ème siècle (il faut se souvenir que les allemands avaient raflé tous les documents francs-maçonniques, notamment les archives). Ces documents manquants (2500 pages!) n’ont été retrouvés par une historienne américaine qu’en l’an 2000, à Moscou où ils étaient restés emmagasinés pendant 50 ans aux Archives du KGB. A la connaissance de KERJAN un seul livre de cette période aurait été retrouvé à Rennes. 


Présentation succincte des résultats de ses recherches historiques:

18ème siècle

1748: fondation de la loge de la Parfaite Union, qui n’aura de cesse de fonctionner, jusqu’à aujourd’hui, exception faite de la période révolutionnaire et du Second Empire. Daniel KERJAN a reconstitué la liste de tous les Vénérables de ladite loge.

1758: la Parfaite Union se dote de ses premières constitutions. C’est l’époque de la première GLDF

1771: le décès du duc de Clermont occasionne une «révolution de la Franc-Maçonnerie française». Anne Charles Sigismund de Montmorency, duc et premier baron de France qui s’intéresse à la Franc-Maçonnerie, la transforme en une institution démocratique, en la dotant d’un système de représentation nationale: élections annuelles des Officiers, y compris des Vénérables, ce qui permet une représentation du local par des députés de province à Paris. Sur ce point, Daniel Kerjan attire l’attention sur le fait que les Officiers de l’époque payaient pour être élus, ce qui sans nul doute aura fourni au Grand Orient de France les moyens de son expansion.

D’un point de vue quantitatif, il existait en France 169 loges en 1773, près de 1000 au début de la Révolution.

A Rennes, à l’époque il y avait la loge de la Parfaite Union, celle de la Parfaite Amitié et, l’Egalité.

 

 

À l’issue de ces auto-présentations des trois intervenants , Bernard RIO a lancé le débat entre eux. Ses questions appelaient des réponses permettant à l’auditoire de poser un regard comparatif sur les éventuelles disparités locales: loges maçonniques de la Côte d’Emeraude, loges rennaises, et lavaloises. Furent par exemple évoqués la présence ecclesiastique dans certaines loges avant la période révolutionnaire, les incidences politiques nationales sur la Franc-Maçonnerie bretonne, l’existence ou non de fractures au sein des loges. Enfin Bernard RIO a demandé aux intervenants de revenir sur de grands faits historiques ayant jalonné plus globalement l’histoire de la Franc-Maçonnerie, telles les conséquences du Concile Vatican II (l’épisode de la venue du révérend RIQUET à Laval), l’affaire des fiches...

 

(Compte-rendu d'Isabelle L.)

Publié dans Salon maçonnique

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